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Soumis par Katrien Nijs le 21/09/12 – 10:51

 Note face aux réactions sur les listes Fimem

Pourquoi une lettre ouverte au CA de la Fimem ?
Les réactions à cette lettre furent si nombreuses et montrent tant d'incompréhension que nous pensons utile de donner quelques précisions.
En envoyant notre « lettre ouverte au CA de la Fimem », notre intention n'était pas de provoquer une nouvelle guerre de religion, il y en a assez comme cela et elles font assez de mal (l'actualité récente en donne enore suffisamment d'exemples).
Notre intention était d'attirer l'attention des membres de la Fimem et en particulier du Conseil d'administration sur trois évènements qui ont marqué la Ridef de 2012 à León, qui nous paraissent, de près ou de loin, toucher aux valeurs sur lesquelles la Fimem s'est fondée et développée et qui méritent donc d'être l'objet de réflexion de la part de tous aussi bien que des responsables du CA.
Je ne vais pas les rappeler ici, puisque plusieurs d'entre vous se sont focalisés seulement sur le troisième point évoqué, le port du foulard dans une assemblée Fimem. Je remercie Glaucia d'avoir, dans un de ses messages, fait la distinction entre les trois points.
Ce qui nous a choqués - et je demande à nos contradicteurs de bien vouloir un moment se mettre à notre place d'Européens puisqu'ils nous demandent si souvent de nous mettre à leur place -, c'est de constater la présence de femmes voilées dans une assemblée Freinet.
Pourquoi ? Parce que le fait de se voiler de cette façon a pour nous une signification autre que celle avancée par certains. Florence Saint-Luc rappelle que les femmes ne sortaient pas tête nue jusque il y a peu en France, mais on ne peut comparer le port du hijab avec le foulard ou le chapeau de nos mères et grands-mères. Ce n'est pas pour se protéger du soleil ou de la pluie que les musulmanes se voilent. C'est pour exprimer leur foi, leur appartenance à une religion et pour se mettre à l'abri du regard de l'homme si ce n’est pour se soumettre à celui-ci.
Se présenter voilée dans une rencontre qui avait justement pour thème l'égalité des genres, la recherche de moyens éducatifs pour que les élèves vivent cette égalité dans le milieu scolaire, c'est pour une femme - à son insu peut-être – une provocation.
Que dirait-on de l'organisateur d'un colloque analysant et prônant les bienfaits de la nourriture végétarienne et qui s'y présenterait un hamburger à la main ? Libre à lui de savourer son hamburger en dehors de l'enceinte du colloque. Serait-ce de l'intolérance que de l'exiger ?
La question qui se pose et qui a déjà été évoquée à plusieurs reprises dans le mouvement est la suivante : « Comment peut-on associer la pratique d'une pédagogie libératrice et l'appartenance à une religion (qu'elle soit catholique, musulmane ou autre) qui n'a rien fait et ne fait rien pour favoriser en son sein l'égalité entre les sexes et qui promulgue des dogmes auxquels doivent se soumettre les croyants, niant ainsi leur liberté de pensée ? ». La pratique de la pédagogie Freinet est-elle compatible avec l'adoption par l'enseignant d'une attitude de soumission à une autorité divine ?
En d'autres termes, comment des personnes chargées de l'éducation des enfants, soumises elles-mêmes (même volontairement) à des dogmes, peuvent-elles entrainer leurs élèves à la libre expression, au libre examen des réalités, à la construction de leur monde ? En clair, la pédagogie Freinet est-elle compatible avec les religions ?
Je dis bien « les » religions. Il faut rappeler qu'en 1988 déjà, lors de la Ridef de Florianopolis, lorsque nous avons compris qu'un père jésuite (catholique donc) était président d'un des mouvements brésiliens de l'époque, nous avons critiqué ce choix, pour les mêmes raisons. À cette époque, nous avons déjà été traités d'« intolérants ».
L'exemple ci-dessus montre bien que nous ne sommes pas islamophobes mais cohérents.
Nous aussi militons pour une société où toutes les composantes vivraient en harmonie (comme le demande Fatima Morais) mais pour y parvenir sans doute faut-il que les convictions religieuses restent dans l'intime de chacun, que l'expression dans le domaine public ne témoigne pas d'une atteinte à la dignité humaine. Loin d'être « décadente », la pédagogie Freinet que nous défendons est source de réflexion pour tous ceux qui cherchent à donner aux enfants l'éducation qui fera d'eux des êtres libres et conscients.
Si Miriam Valladares (Mexique) et Fatima Morais (Brésil) parlent à propos de notre prise de position d'intolérance ou de méconnaissance de « l'esprit Freinet », je voudrais rappeler comme le fait Luis Ricardo (Mexique) que la Charte de l'École Moderne, à laquelle se réfèrent les mouvements Freinet de par le monde et la FIMEM, fait clairement référence à la laïcité. Il existe d'autres « clubs cool » comme les appelle Luis Ricardo où la question ne se pose pas de la même façon.
Le port de signes religieux extérieurs aussi explicites que le voile dans une assemblée Freinet heurte la sensibilité des laïques comme des athées présents et particulièrement des camarades engagés dans la pédagogie Freinet depuis plus de 50 ans. Il faut en tenir compte et pouvoir en discuter sans se lancer des invectives inutiles.
Yvette Brike, déléguée du mouvement Freinet belge Éducation populaire
Henry Landroit, président de la Fimem 1984-1989