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Soumis par Claude Beaunis le 16/04/12 – 11:43

L’école doit apporter des réponses

 

Au cours de cette année, nous avons eu un tourbillon d'événements qui ont produit beaucoup de réflexions sur notre position en tant qu'éducateurs avec une énorme responsabilité dans le monde.

Au Mexique, le climat de violence au cours des six dernières années, nous a confrontés au besoin de se poser la question de notre responsabilité sociale dans un monde dans lequel la drogue prend peu à peu plus d’espace. Il est essentiel de considérer que l'école a une responsabilité importante dans une société qui se dégrade progressivement dans un processus de corruption et de pouvoir qui tisse une toile qui attire une population très jeune comme une solution aux problèmes de la pauvreté, du sous-développement, de la surpopulation et de l’inégalité des chances.


Penser que l'éducation peut offrir un monde meilleur pour les jeunes, filles et garçons devient un outil au potentiel énorme, et aussi un défi auquel les éducateurs doivent faire face.

Face à une société de la violence, de la puissance, du néolibéralisme, de l'argent, l'école peut devenir un espace d'espoir. Découvrir que le monde n'est pas fait seulement pour posséder et écraser les autres dans une lutte acharnée pour la suprématie, est une mission de l'éducation.


Nous voyons l’évolution d’un monde où les personnes et en particulier les enfants et les jeunes ne trouvent pas de sens à leur vie s'ils ne sont pas productifs. C’est l'économie de marché qui domine.

C’est ainsi que nous voyons que les villes dans leur processus de croissance accéléré ont oublié les enfants : l’espace qui leur est réservé est limité et dangereux. On leur enlève la possibilité de jouir de l'environnement, d’aller de la maison à l'école en regardant les arbres, les oiseaux, les petits cailloux sur la route et un chat qui grimpe sur le mur. Ainsi, la vie des enfants se passe dans des espaces clos: de l'appartement à la cour de l'école. C'est alors que les écrans de télévision ou de jeux sur Internet peuvent présenter une réalité virtuelle plus attrayante que le monde qui les entoure.


Dans de nombreux autres cas, la pauvreté, le chômage et la surpopulation sont des facteurs d'exclusion scolaire. Dans de nombreuses régions défavorisées les enfants sont mis à la rue pour vendre toutes sortes de marchandises, pour porter des chargements sur les marchés, pour prendre soin de leurs frères et sœurs, ou si elles sont des filles rester à la maison parce qu'elles sont les «petites femmes» de la famille. Dans les récits de vie de nombreux enfants des rues ce sont les conditions de vie qui empêchent leur présence à l'école. Dans certains pays comme le Mexique, les enfants sont des proies potentielles de la criminalité organisée et du trafic de drogue. Ces phénomènes s'étendent à de nombreux pays d'Amérique latine, d’Afrique et d’Asie.

Encore une fois l’école doit apporter des réponses.


Lorsque l'école donne comme réponse un système répressif, monotone, dénué de sens, plein de répétitions et de menaces sur la personnalité de l’enfant, alors s'enfuir de l'école signifie accéder à un espace de liberté et d'autonomie. Mais ...

• Qu'est-ce qui se passe quand l'école permet a chacun d’être soi-même et de ne pas se perdre dans la demande d'homogénéité ?
• Qu'est-ce qui se passe quand une école permet une construction progressive des langages pour comprendre la culture et donne à chaque enfant la certitude qu’il est un vrai chercheur ?
• Qu'est-ce qui se passe quand l'école se transforme en un véritable laboratoire de la vie et que les questions que les enfants et les jeunes se posent sont pertinentes?

 

C’est alors qu’arrive le stimulus pour créer, rechercher, demander et se répondre avec une autre question. C’est l'esprit qui encourage la découverte de la science, de l'art, de la langue, de la philosophie et de la lutte démocratique.

• Qu'est-ce qui se passe quand l'école est un lieu d'égalité des droits et des chances et les différences les meilleurs récompenses du travail coopératif ?
• Qu'est-ce qui se passe quand l'école refuse de participer à un évaluation nationale, «un baromètre des inégalités sociales" comme le dit Camila Vallejo de la Fédération des étudiants chiliens ?
• Qu'est-ce qui se passe lorsque l'école reprend la bannière de Rita Levi, Prix Nobel de médecine en 1986 et exemple de lutte contre le fascisme de Mussolini, qui stipule que la vie devrait nous permettre d'accumuler des expériences et de décider de rejeter ce qui ne fonctionne pas ?
• Qu'est-ce qui se passe lorsque l'égalité des chances entre les filles et les garçons est placé au centre de l'école en tant que principe directeur?

C'est alors que les pratiques sociales sont remises en question, parce que la couleur rose et les accessoires de mode ne sont plus seulement pour les filles et les couleurs sombres et les pantalons pour les garçons ...

C'est alors que le football est le terrain où ils et elles montrent à la fois la force de leurs jambes et l'agilité de leurs corps ...

C'est alors la fin des tâches féminines et des tâches masculines. Les enfants apprennent à un âge précoce que laver la vaisselle, préparer les repas et faire la lessive sont des choses qu’il faut apprendre pour partager équitablement l'entretien de la maison.

 

C'est là que les filles apprennent à ne pas se taire, à manifester leurs désaccords et leurs luttes et les garçons à reconnaître la nécessité d'écouter, d'argumenter et de respecter la voix féminine, mettant fin à la suprématie de la voix du père à la maison qui dit toujours "le dernier mot. "

C'est là que les enfants apprennent que l’éducation est une tâche commune, car la responsabilité est 50/50 et que le seul privilège de la mère est l’allaitement.

C'est là où on décide que les livres sont pour tout le monde. Que le «Journal de Daniela» est très attrayant pour les garçons et que les filles rient du «Petit Nicolas»; qu’il ne doit pas y avoir de littérature de violence réservée aux garçons, car «c’est dans leur nature."


C'est là que l’on apprend à coopérer, à travailler ensemble pour proposer un projet, à respecter la participation des filles et des garçons dans un essai de vie qui leur permettra au futur de faire face a des responsabilités au niveau de la commune, de la région, de la nation, et du monde: tâches avec une réelle égalité des chances pour les femmes et pour les hommes.

C'est là qu’on découvre qu'il y a des jeux qui devraient disparaître de l'école parce qu'ils reproduisent des schémas sociaux qui discriminent les femmes et la réduisent à un rôle de poupée comme le jeu du «barquero» au Mexique:, où "les jolies filles qui doivent passer en premier, répondent: « Je ne suis pas jolie. Je ne veux pas l’être, parce que les jolies filles vont à leur perdition» .

C'est là que l’on apprend qu'une fille (ou femme) ne doit pas se taire pour respecter « les bonnes manières" face à la violence des copains, des frères   ou du père."Si tu ne parles pas, tu seras plus belle». Cette phrase ne peut pas être un modèle qui réduirait la moitié du monde à écouter la réponse du sexe masculin, sans donner son avis pour éviter les conflits et les confrontations.

C’est là, au Conseil, que l’on apprend qu’une voix masculine n'a pas raison parce qu’elle est la plus forte, mais qu’elle a la même chance de réussir dans l'analyse et la résolution des problèmes qu’une voix féminine


C'est dans ces espaces de construction d’une culture de coopération et d'expression collective que le mouvement Freinet doit se demander ce qu’il a fait de ses femmes enseignantes, de ses mères aimantes et de ses fidèles compagnes.
• Pourquoi parle t-on si peu d’elles?
• Quel type de relation a été établie, pour qu’elles aient été si souvent des compagnes silencieuses de luttes aux côtés de leurs hommes?


Nous ne voulons pas proclamer la révolution des filles et des femmes Freinet, mais nous ne demandons à chacun de répondre aux questions suivantes:

• Qu'avez-vous fait dans cette relation? Où sont-elles?
• Quelles chances leur avez vous laissées ?
• Qui s’est occupé de vos fils et de vos filles?
• Qui a renoncé à un diplôme, à un poste de travail, à   un voyage, pour laisser la place à sa femme?
• Combien de femmes n’ont jamais pu écrire leur expérience, car à la fin de la journée, après avoir travaillé dans la salle de classe, après avoir été chercher les enfants à l'école, les emmener au parc, préparer et servir le repas, donner le bain et les avoir endormis, elles étaient si fatiguées qu’elles étaient incapables de coucher sur le papier leurs réflexions ou de rentrer un article sur l'ordinateur?

Nous ne voulons pas seulement reconnaître les travaux pédagogiques remarquables de certaines femmes mais aussi les “doubles-journées” des femmes dans le mouvement Freinet.

 

Voir à travers le prisme de l’équité signifie, regarder l’école et notre pratique quotidienne afin de rendre visible l’héritage culturel que nous donnons à nos élèves filles et garçons à propos de la femme.

 

Mais aussi regarder nos femmes, nos compagnes, nos mères, nos soeurs, nos filles et réfléchir a ce qui a été le sens des mots coopération, liberté, respect, reconnaissance et autonomie.

 

Teresita Garduño Rubio.

 

Fichier powerpoint présenté lors du début de la journée spectacle du forum de la RIDEF...