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Soumis par Claude Beaunis le 10/01/11 – 09:24

Les contradictions du XXI ème siècle.


Certains analystes estiment que le nouveau siècle apporta comme une marque de l'hyper civilisation un phénomène qui filtre toutes les circonstances de la vie des gens. Ce phénomène, est la vitesse.

  •          Vitesse dans les progrès scientifiques et technologiques qui nous aident à comprendre quelles sont les principales menaces pesant sur la planète.
  •          La vitesse dans les communications qui favorise des échanges beaucoup plus accélérés que jamais et une grande diversité dans les langages graphiques utilisées pour promouvoir une compréhension plus rapide du message envoyé.
  •         Cette vitesse a également entraîné le développement de nouvelles générations qui sont exposés très tôt aux nouvelles technologies et apprennent leur usage  plus rapidement que ceux qui sont nés au siècle dernier.
  •          Les médias nous permettent aujourd’hui de comprendre des faits et des phénomènes que notre génération a mis plusieurs décennies  à découvrir.
  •          Cette vitesse a également prolongé la vie des personnes et dans un certain nombre de pays on trouve une population ayant plus d'expérience mais moins de force et d'agilité pour accomplir les tâches fondamentales de base qui favorisent les conditions d’une vie meilleure. Par conséquent, ces pays ont ouvert la voie à des migrations massives.

 A côté de ces conditions il y a d'autres marques du siècle, qui sont la contradiction, le déséquilibre et l'inégalité.

Pendant que  la culture numérique progresse et se développe, un fossé se creuse entre les groupes de population qui ont acquis et utilisent  déjà les nouvelles et de plus en plus sophistiquées technologies, il existe de groupes de population  qui n'ont pas encore un téléphone à proximité pour appeler un médecin.

Nous en savons plus sur le changement climatique, l’inversion thermique, alors que sur la planète, des milliers de personnes subissent, voire disparaissent,du fait de  la désertification et les tempêtes comme ce fut  le cas au Pakistan, ou à Veracruz, avec l'ouragan Karl, ou à Oaxaca, au Mexique, avec les tempêtes que l'on sait.

 Les espèces végétales et animales disparaissent. Dans de nombreux pays des nourrissons et des jeunes enfants meurent de diarrhée, de dysenterie et de pneumonie.  

Cette détérioration de la vie sur la planète accélère les conflits pour la survie et la lutte pour les biens de première nécessité, qui étaient auparavant accessibles à tous et se transformant en privilèges, comme c'est le cas l'eau potable.

Par ailleurs, d’autres contradictions apparaissent sur la planète. Les langues numériques sont brandies comme symboles de la diversité et de la flexibilité, tandis que de nombreux gouvernements emploient  des attitudes autoritaires et infamantes, n'hésitant pas à discriminer et persécuter pour leurs différences certaines parties de la population. Voir le cas des roms, et plus généralement, des « gens du voyage » et des étrangers en France ou du peuple guatémaltèque qui franchit la frontière mexicaine pour aller vers le rêve américain, les sans terre persécutés et tués au Brésil, la clôture contre une partie de la population de San Juan Copala au Mexique, les Palestiniens expulsés de sur leur propre territoire, les Mapuches du Chili qui se battent pour l'autonomie, les immigrants mexicain au Texas et bien d’autres exemples dans le monde. 

Nous constatons encore comment les mains de quelques-uns accumulent l'ensemble des richesses dans le même temps que la pauvreté s'enracine, et que les dépenses militaires et les mécanismes de contrôle augmentent, dans une société qui garantit de moins en moins la sécurité de ses enfants qui ne peuvent plus aller au parc, ou marcher dans la rue pour aller acheter du pain parce que les villes sont devenues des zones de violence élevée.


Comment expliquer que, dans cette société numérisée et informatisée, il y ait environ 900 millions d'analphabètes, des millions d'enfants qui n'ont pas accès à l'école, des millions d'enfants et de jeunes qui quittent l'école ou accumulent des échecs scolaires,  parce que les systèmes éducatifs, les programmes et les manuels scolaires ne savent plus dialoguer avec les besoins des générations actuelles ?

Comment expliquer que  dans la société de l'information, les systèmes scolaires ne soient pas adaptés aux besoins des générations actuelles et que les autorités ne reconnaissent pas l'importance de l'éducation et l'urgence de transformer leurs systèmes scolaires ? La privatisation progressive de l'école publique dans plusieurs de nos pays, montre comment l'état progressivement renonce à son obligation de former  les nouvelles générations et réduit  progressivemenet le pourcentage du PIB pour l’éducation.

Dans de nombreux pays, les inégalités atteignent des sommets  lorsque l'on compare la vie des familles des zones rurales  et celles des zones urbaines. La majorité des paysans sans terre migre vers les villes et les bidonvilles s'étendent sans cesse. Dans ces espaces, il y a peu de travail décent pour les adultes, mais il y a beaucoup d'exploitation et de travail  des enfants qui  apporte de petites contributions à des familles, issues de la destruction de l'enfance et de la soumission aux pires humiliations. 

 L'hégémonie des grandes puissances de l'Amérique du Nord et de l'Europe cherche à imposer des modèles non seulement pour le contrôle de l'économie, mais aussi pour homogénéiser la culture, la production et la consommation dans un monde qui privilégie les valeurs de l'individualisme, du consumérisme et de la concurrence. Les  modèles communautaires et de coopération sont sapés et négligés, déconsidérés comme un mode de vie provenant du passé n'ayant plus sa place dans l'ère moderne.

 

La construction de réponses.  

Compte tenu de ces réalités, il est clair que les gouvernements doivent concevoir des solutions nouvelles. On peut aussi se demander si l'école a un rôle à jouer dans la construction sociale du sens.

Au cours de la RIDEF de Nantes nous avons vu, à travers des actions concrètes et des réflexions profondes  certains chemins qui peuvent signifier de nouvelles façons de faire face aux contradictions que nous vivons en tant que société.  

A Nantes nous avons participé et pouvons témoigné d’une société coopérative préoccupée de promouvoir l'apprentissage aussi bien dans les gestes quotidiens que dans les ateliers, les tables rondes, les excursions ou les assemblés. Il est utile de préciser que cette société qui a émergé le 20 et a été dissoute le 29 juillet, était composée de volontaires, conscients et d'enseignants engagés qui se sont rendus à un événement particulier appelée RIDEF, qui n'est pas obligatoire, qui n’accorde aucune note pour améliorer leurs salaires, qui ne donne aucune degré et qui ne favorise ni l'individualisme, ni le consumérisme et ni le profit.

Cette société de ridéfiens a vécu  dans un espace communautaire et  a montré de nouvelles formes de relations et de processus d’apprentissage qui, peut être, ne sont pas  les mêmes que ceux que connaissent les participants dans leur pays, dans leurs écoles ou même dans leurs classes. 

Si cela est possible dans chaque RIDEF, comment faire en sorte que cela devienne la réalité  dans notre vie quotidienne aussi?

De nombreux jeunes composaient cette réunion Freinet décidés à se relier  à ce mode de vie et d'apprentissage. Ils ont pu  y trouver des réponses souvent niées dans le monde globalisé et hégémonique de leur vie quotidienne. Pour plusieurs d'entre eux, cela représentait l’exemple possible d’une vie différente en dehors de la RIDEF.

Nous avons pu entendre  des dénonciations de politiques de  destruction de l’école publique, de contrôle de l'Etat pour délégitimer le rôle éducatif des enseignants, d'injonction à se soumettre  aux tests nationaux et internationaux, au mépris des connaissances et des apports concernant des approches plus formatives et constructives des modalités d’évaluation  que chaque enseignant est en mesure de conduire au bénéfice des enfants et des jeunes dont il est responsable.  

Il est bien concevable de penser contre la logique d' Etat. Le témoignage de certains de  nos collègues  nous ont montré le chemin.

 Nous savons que quelques‘uns d'entre eux s'apprêtent à  participer au Forum Mondial de l’Éducation, aux Rencontres sur les Droits des enfants, aux Projets des enfants dans les villes, à se prononcer sur le II Prononcèmenet Latino-américaine, aux réunions démocratiques et aux mobilisations pour la défense des droits, bafoués ici et là....  

La lutte pour une éducation au développement de l'esprit critique,  pour le respect des droits de l'homme, la protection des droits des enfants et des jeunes, nourrit notre vision et notre engagement, pour qu'ils s'inscrivent dans  notre réalité, exigeant de nous un exercice continu de cohérence, face aux violations que nous constatons jour après jour, de diverses façons, certaines subtiles et d'autres plus évidentes.

 Les réflexions sur les droits de l'enfant, la vigilance face à la xénophobie nous a incités à favoriser la réflexion critique au sein de la FIMEM, l'accès aux réflexions critiques du XXIème siècle telles que la Charte de la Terre, les Déclarations Mondiales d'Éducation pour tous, le Nouveau Prononcèmenet latino-américain.. 

La création d'un Espace Pilosophique qui permette de dialoguer avec d'autres acteurs qui vivent dans leur vie quotidienne une société alternative comme notre société ridéfienne,  devrait nous amener à poursuivre la réflexion sur la façon dont notre Charte  se transforme en un creuset de dialogues et de nouvelles négociations car le monde a beaucoup progressé, mais également a laissé derrière lui de nombreuses façons de d'agir, d'appréhender la complexité du monde...

Nous ne pouvons pas nous contenter de notre confort,  en même temps que,  dans nos pays, dans nos villes, et même, malheureusement, souvent aussi, dans nos écoles et nos salles de classe, on viole le droit fondamental de tous les enfants et  des jeunes  à une éducation qui les respecte comme des personnes, qui valorise leur culture, qui reconnaisse leurs    différences en terme de conditions  de vie, de santé, de handicap, de modes d'apprentissage, de statut social et économique, de goûts,  d' aptitudes et de situation familiale... 

 Il est nécessaire de quitter chaque RIDEF plus convaincues et convaincus de la nécessité de repenser notre travail, pour renforcer nos pratiques de coopération, l'examen critique de nos attitudes, d'approfondir nos arguments pour continuer à faire de l'école, le meilleur endroit pour le développement de l'intelligence, de la créativité, du respect des  différences,  du multiculturalisme.

Il est nécessaire non seulement de discuter, mais aussi de vivre avec nos  conviction et pour la défense de :

L  'éducation comme  un droit fondamental et essentiel et  de notre responsabilité.

 L 'éducation suppose des expériences,  une participation active à la vie sociale et un exercice constant de la démocratie.

L'éducation doit être coordonnée avec la vie sociale et politique du peuple pour avoir un impact réel sur la vie des gens.

L'éducation implique l'intégration, l'inclusion sociale, la solidarité et la coopération.

L'éducation doit promouvoir le développement de personnalités autonomes et critiques.

 L'éducation doit  restructurer en permanence ses modèles pédagogiques d'action.

 Pour revenir à notre réalité quotidienne, il est important de se demander ce que nous a laissé la RIDEF, ce que nous avons appris, ce qui nous a marqué, quelles sont les pensées que nous nous sommes appropriées, quels mots nous ont permis de changer nos méthodes, qu'est-ce que nous apportons à nos salles de classe, dans les temps avec nos collègues, avec nos familles, dans nos pays... 

C'est à ce moment-là que nous serons  en mesure de dire que la pédagogie Freinet est une réponse aux nouveaux défis de la planète ...

 

Teresita Garduño Rubio.

Septembre 2010